C’est avec un peu de frustration que nous allons vous raconter une découverte à Istanbul. De la frustration parce que nous n’aurons que nos propres mots pour vous la décrire (eh oui... parfois les appareils photos ne sont pas les bienvenus !)...
Dire que nous avons passé une soirée étonnante est un euphémisme... Nous avons assisté à une cérémonie de derviches «tourneurs» et «hurleurs» (pas de ressemblance avec les singes du même nom, au niveau du chant...).
Dans la périphérie d’Istanbul, nous entrons par un portique dans une cour intérieure où nous sommes accueillis par de vieilles dames qui veulent nous vendre des mouchoirs.
Avant de pénétrer dans l’édifice nous devons (comme dans les mosquées) nous déschausser. Ensuite, nous rentrons dans une salle avec une sorte de mezzanine fermées par une grille en bois. Là, nous devons nous asseoir par terre contre le mur. Une multitude de tableaux avec des messages en arabe sont accrochés au parois.
Il y a quelques étrangers (comme nous). Les hommes et les femmes sont séparés. Les femmes européennes sont acceptées dans la salle mais avec un voile sur la tête et placées dans un espace séparé entouré d’une petite barrière. Les femmes musulmanes sont quant à elles installées à l’étage.
Dans une pièce voisine sont assis par terre des «mevlevis», coiffés d’un chapeau blanc. De-là provient une musique lente et douce accompagnée par la voix des fidèles. Au fil du temps la musique s’accélère, le son des voix se renforce, le balancement du haut des corps s’accélère, le rythme est entêtant. En fermant les yeux, on se prendrait presque pour Indiana Jones dans le Temple maudit (vous ne voyez pas le rapport...mais si la musique répétitive et presque envoûtante de la secte qui veut arracher le coeur d’Indi...).
A cet instant entrent dans la salle où nous nous trouvons, 9 hommes, le visage fermé et même dur, drapés d’une tunique noire les recouvrant quasi entièrement et coiffés d’un haut chapeau cylindrique couleur beige.
D’un pas lent et saccadé, ils viennent se mettre en ligne devant nous. La musique continue à s’accélérer, les chants s’intensifient. Les 9 se mettent en mouvement et tournent en cercle quelques fois avant d’ôter leur cape noire. Dessous, ils portent un gilet blanc ainsi qu’une longue et large robe blanche. Au signal donné par le maître de cérémonie, le 1er des 9 (toujours le regard aussi sympathique) chacun commence à tourner sur lui-même, les bras d’abord croisés et collés contre la poitrine qui au fur et à mesure des petits tours sur eux-même semblent se libérer et monter vers le ciel. Finalement ils tournent, tourent et tournent encore, la robe blanche et large flottant dans les airs, les bras levés au niveau de la tête, une des paumes tournée vers le ciel et l’autre vers la terre, la tête inclinée légèrement sur le côté. Après quelques minutes, tout s’immobilise, le temps de quelques lithanies provenant de la pièce voisine, le rite recommence. Un de nos amis «tourneurs», un jeune, échange des sourirs complices avec un autre jeune «tourneur», les plus vieux, le regard sévère, semblent avoir le regard plus distant. Un de ceux-ci lâche de temps quelques soupirs semblant provenir des tréfonds de d’on ne sait où, les yeux globuleux et vides (Indi vient nous sauver de là...!). Trois petits tours et puis s’en vont...nos hommes en blanc à nouveau en noir sortent d’un pas lent, un peu plus transpirant qu’avant, mais le regard toujours aussi amical... Dans la salle voisine, les «hurleurs» ont cessés leur litanies. Quelques phrases sont encore prononcées. Tout le monde sort. Nous aussi, étonnés et pleins de questions dans notre petite tête...
Quelques explications s’imposent...
Après la mort du Prophète (Mahommet), deux courants de l’Islam se sont distingués. Il s’agit des Sunnites qui ont suivi un des disciples du Prophète et des Chiites qui eux ont suivi un des frères du Prophète. Les Sunnites étant considérés comme la branche principale et les Chiites comme une branche secondaire. Les Derviches sont une communauté issue d’un mouvement de «réforme» de l’Islam du 14ème siècle. Ils sont principalement Chiites mais certains Sunnites les ont également rejoins. En Turquie, ils ont d’abord été interdits par la branche «dure» (les Sunnites) avant d’être acceptés depuis que la Turquie est devenu une république (1923). Ils estimaient que d’appliquer la loi musulmane (les 5 piliers de l’Islam qui sont la prière, le jeûne, la profession de foi, le pèlerinage et l’aumône) n’était plus suffisant car c’était devenu des rites dépourvus de sens : on le fait mais on oublie quel est le but. Pour les Derviches, le but est de s’approcher de l’amour de Dieu. Pour se faire ils ont développé différentes prières sous forme de musique et de chants (les hurleurs) et sous forme de danse (les tourneurs). Sous ces formes ils essaient d’atteindre l’extase dans le but d’y rencontrer Dieu.
Les Derviches tourneurs entrent dans la salle vêtus d’une cape noir qui signifie la mort et portent un chapeau cylindrique beige symbolisant la pierre tombale. Lorsqu’ils enlève leur cape apparait un habit tout blanc. Ce passage du noir au blanc signifie la résurrection. Lorsqu’ils commencent à tourner leurs bras sont croisés et serrés sur le haut du corps et en tournant les mains se délient et les bras s’écartent du corps. C’est l’esprit qui se libère du corps. Une des paumes est tournée vers le ciel et l’autre vers la terre. Par ces gestes, ils espèrent amener sur la Terre ce qu’ils reçoivent du Ciel en atteignant l’extase.
Le texte commençant à être un peu long, nous vous épargnons nos réflexions «philosophiques» suite à cette cérémonie haute en «couleur» pour le moment... Nous aurons certainement l’occasion de revenir sur le sujet au cours du voyage. D’autres communautés religieuses nous attendent sur le parcours...