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dimanche, 16 octobre 2011
Passer 1 mois sur l’île de Gotland, c’est l’occasion rêvée de se (re)plonger dans la littérature policière suédoise (Marc en est fan !).
Actuellement le polar nordique, que se soit suédois, norvégien, danois ou islandais connaît un grand succès (et est de plus en plus traduit en français aussi) ! Comment l’expliquer ? Bien sûr il y a le succès planétaire de la Trilogie «Millenium» de Stieg Larsson (Benjamin est en train de la lire) qui y est sans doute pour quelque chose, mais il y a aussi Camilla Läckberg, Henning Mankell, Arnaldur Indriadson que l’on connaît déjà bien dans la région des verts pâturages en Suisse. Les polars du nord, c’est un roman policier, oui ! Mais c’est différent !
Voici 5 explications (trouvées sur internet) :
1. La lumière du Nord
Rien de tel qu'un soleil qui éclaire à l'horizontal pour nimber une intrigue de mystère. Le polar nordique, c'est avant tout des décors à couper le souffle, des jours trop courts pour s'amuser, aller à la plage ou batifoler. Le climat est rude, il pleut un peu mais pas trop (cela brouille les rapports humains), il fait froid et on se déplace à pas comptés. L'ambiance du Nord, c'est à la fois la forêt, les grands espaces, la nature à peine domestiquée mais aussi la modernité, IKEA, des boissons chaudes à volonté, le mélange d'une certaine tradition communautaire (les vikings, les runes, du fantastique à portée d'adjectifs) et un nouveau modèle social passionnant (la drogue, la libre entreprise, le sexe libre, le chômage indemnisé).
2. Le polar nordique rappelle la magie de Derrick
La clé du polar nordique, c'est son faux rythme. Là où les flics américains tirent à vue, là où les latins s'agitent dans tous les sens et se paient des poursuites dès qu'ils en ont l'occasion, le flic ou détective nordique marche au ralenti et installe un rythme à la fois lancinant et fait d'étapes socratiques et d'interrogatoires de suspects au coin du feu. On passe de ferme en ferme en suivant le rythme du jour, court et qui ne laisse pas place à la gaudriole. Peu de diversion, une enquête qui monopolise son homme et lui donne l'occasion, le soir venu, de déprimer devant la télévision avec une bouteille de Suze locale ou de cultiver son mal de vivre. Cette apparente lenteur est synonyme pour le lecteur de profondeur, de langueur (automnale) et éclaire d'un goût particulier les accélérations conclusives : comme quand dans un Derrick somnambule, sur les coups de 13H52, la solution de l'énigme se sert toute seule sur un plateau. Le polar nordique, c'est la double accélération de Johann Cruyff appliquée à la littérature de genre.
3. Il y a pas mal d'îles où planquer les corps
La topographie du polar est souvent déterminante pour installer une intrigue à succès. L'espace nordique présente les principales qualités de la campagne américaine, jadis fertile en investigations : comme l'abondance d'espace (mais avec des heures de transport en moins), la facilité d'y organiser des huis clos efficaces, l'habitat morcelé qui permet d'avoir tous les suspects sous la main. Mais contrairement à elle, elle n'a pas encore été surexploitée par le cinéma : marre des frères Cohen, des drames banlieusards, des villes lumières et des boîtes de nuit à néons, marre de la résonance des clichés cinématographiques (le pick-up, le bar, le motel).
La structure de l'espace nordique, découpé en petites île, souvent utilisée par les romanciers, est parfaite pour faire bouger les enquêteurs, tuer son prochain en mer, dissimuler les corps et opposer les gens du terroir aux gens de la ville. Le Nord, un imaginaire renouvelé et des espaces inexplorés pour la terreur... froide.
4. Les enquêteurs peuvent se taper des nanas qui ont la classe...
...et pas des candidates de téléréalité. La Scandinavie est le paradis de l'égalité des sexes et cela se sent en littérature policière. Finies les bimbos qu'on s'enfile entre deux interrogatoires, les nanas qui jouent les utilités au bras du méchant et ressemblent à Loana, si le polar nordique a du succès, c'est parce que les femmes y sont représentées comme des acteurs principaux du drame et ont fait des études. Quand elles ne mènent pas l'enquête elles-mêmes, elles ont du plomb dans la tête et ne se mettent pas au lit parce qu'on les a dépannées d'une cigarette. Certaines sont plates, d'autres s'habillent mal. Mais elles ont du talent et parfois même un... boulot. Lorsqu'on sait que désormais, 70% des romans policiers sont lues par des femmes - ce qui n'était pas le cas par le passé-, cette mutation n'est pas la moins importante et en dit beaucoup sur l'évolution du genre. Il vaut toujours mieux se taper une universitaire, revenue au pays après des études à la ville pour soigner un père malade, qu'une gogo-danseuse.
5. Les sociétés nordiques sont rationnelles...
... et se prêtent mieux à des résolutions d'intrigues complexes : on n'est pas très loin du racisme climatologique mais il faut avouer que la supériorité du polar nordique s'incarne dans des intrigues qui collent mieux avec l'air du temps. La mode des séries télé a auguré une ère où la complexité des lignes narratives est un critère majeur de qualité. Plus question de tuer une seule personne pour un seul motif, il faut INNOVER, voir grand, monter des réseaux criminels, des trucs vraiment dégueulasses avec des gosses, mélanger la jalousie, le sexe, l'intérêt, l'attachement aux valeurs communautaires, l'honneur, la foi, l'envie, la bêtise et la cruauté programmatique.
Du coup, les bandits au sang chaud ont un coup de retard : trop impulsifs, trop mono-motivés, ils appartiennent à l'ancien monde et font pâle figure. Les sociétés nordiques sont à la fois exotiques (on n'y connaît rien), mystérieuses (il y a des traditions bizarres qui ignorent le judéo-christianisme et qui permettent de multiplier les meurtres rituels), sauvages (mi-rurales, mi-urbaines) et régies par la raison pratique.
Avec le polar nordique, c'est toute une imagerie associée au banditisme et au crime qui laisse sa place à des visions tout aussi monstrueuses mais installées dans des décors naturels. Le nouveau western est un western réaliste, cafardeux, et où l'on fait gaffe au développement durable.
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